TCA

Manger c’est laid.

Postillons de pain mouillé.

Glaires teintées d’épices.

Boulettes de salive à l’ail.

Glaviots au fromage.

Brochettes de chairs mortes dopées par les conservateurs.

Sourire appuyé par une sauce luisante.

Ronron de la mastication.

Renvois de la déglutition.

Feuille de salade frivole venue épouser la dent.

Les verres glissent au doigt. S’empoignent et jettent une lampée d’alcool fier sur le patchwork des pâtés et condiments.

Jeter des yeux gourmands sur tout ce qui se mange…

Se ridiculiser en attrapant un petit-four,

En piochant dans une assiette,

Bousculer les mondanités en voulant saisir une dernière part de pizza,

Devoir se battre avec des miettes grasses qui collent à la soie.

Etre gros est si vilain !

Se répandre dans toute sa flemme,

S’installer coussinettement dans les ergots de son fessier,

Se cacher au fond d’un océan chaud de bourrelets.

S’économiser

Tel quelque hamster paranoïaque.

Se ménager de petits espaces « confort »

Accuser le moindre effort,

Dérouler mollement sa grosse paresse grasse de fainéantise,

Noyer les curieux et les médisants dans des écumes de cellulite.

Ne pas manger.

Ne pas glousser « Volontiers » mais claironner « Non merci »,

Ne pas manger.

Garder les joue élégamment creusées,

Allure fière.

Se tenir droite,

Rentrer le ventre,

Bomber les fesses.

Prendre de la hauteur,

Considérer le maintien punchy de tous ses muscles,

Se sentir tenu par un fil nu qui n’a besoin que d’eau et de lumière.

Et sentir, millimètre par millimètre, la retraite de la chair, qui abdique face au tissu.

Etre agile, gracile, volubile,

Se faufiler, se glisser, se percher.

Fée légère qui s’ébat, c’est si mignon,

Gambader légèrement dans les salons,

Sans avoir à s’embarrasser de ces détails d’obèses,

Qui nous déciment lorsque la phase boule retrouve son nom.

Se tenir droite,

Rentrer le ventre,

Bomber les fesses.

Garantir cette autonomie superbe

De ceux qui se suffisent à eux-mêmes,

De ceux qui déploient des trésors d’énergie

Traqués dans un corps tout en tension.

Faire figure, maintenir la rectilinéarité par delà les attitudes cool,

Afficher la tenue altière et élancée

De ceux qui papillonnent dans la tour d’ivoire de la satiété,

Ne pas manger.